À cette période de l’année où les feuilles d’arbres rougissent puis tombent, l’artiste Gaël Faye décide de revenir sur le devant de la scène avec un EP de 5 titres, nommé Des Fleurs. Ce retour très attendu vient égayer nos matins froids et sombres et s’impose comme un rayon de soleil musical que nous n’avons pas tardé à écouter.
Retour à la réalité…
Cependant, si on peut en effet voir ce nouvel opus comme une belle lumière dans l’industrie musicale, celui-ci soulève bien plus de thèmes majeurs qu’il ne le laisse croire. Comme à son habitude, l’auteur-inteprète chante ce qui lui pèse sur le coeur, et cela est parfois très épais, et pour ainsi dire, presque étouffant. Si on parle donc d’un ensoleillement, ce dernier ne s’effectue qu’en apparence, car malgré un agréable exil vers les pays du sud que l’EP procure ; Gaël Faye utilise ses nouveaux titres pour nourrir sa vision du monde, vision pessimiste qu’on ne peut lui reprocher. Mais ce dernier ne vient en aucun cas bafouer l’engouement que la première lecture de l’album suscite ni (et encore moins) l’adresse presque naturel que M. Faye lorsqu’il s’agit d’utiliser les mots comme des instruments.
Décidément, Gaël Faye nous avait déjà témoigné son amour pour la flore avec Rythmes et Botanique, et cette fois encore, il nous épate avec un EP d’autant plus fleuri, par sa richesse instrumentale et rédactionnelle. De cet EP, Balade brésilienne est le premier single, témoin d’un grand succès notamment parce qu’accompagné de Flavia Coelho. Les deux artistes collaborent sur un titre comme Gaël sait is bien les faire : entêtant, poétique et engagé.
Demain on dort, dimanche au temple le pasteur ne fera que des faux prêches
On a la vie devant nous pour user nos cartouches
Dehors la ville est belle comme si j’étais un bateau-mouche
Degrés dans le rouge, les couples copulent sur la luneBalades brésiliennes
L’album est un peu moins coloré que les précédents avec des titres particulièrement cadencés soit, et hérités à son lieu de vie actuel, le Rwanda, mais très obscurs dans leurs significations. Bien que la pochette soit très vive et orangée, les titres Jackie Jacky Jack ou By martèlent l’auditeur et font sens. On retrouve des références à une pureté qui aurait été assombrie, ternie comme ici :
Il flanche, comprend ce qu’il vient d’avaler
En reposant sur la nappe blanche, sa tasse de caféJackie Jacky Jack
… et douce ballade à double sens
D’ailleurs, Gaël Faye continue également de dénoncer le monde qui l’entoure, notamment à travers Dinosaures justement, par laquelle il remet en cause cette société qui détruit l’environnement.
Je suis la tragédie d’une pomme, celle qui m’attire comme un aimant
Je meurs de la folie des hommes et de la furie des éléments.Dinosaures
On se sent plus qu’obligés d’évoquer By, révélatrice et prodigieuse, témoin de la maîtrise lyrique de l’artiste qui ne cesse d’employer les mots les plus aiguisés pour parler d’un « système » qu’il qualifie comme « oppressant ».
(…) On te vole tout, même les points à la fin de tes phrases
L’opinion publique, parait cynique, indifférente
Dénoncer le mal et faire le bien sont deux choses différentes
J’vais pas vous charmer, j’ai le cœur décharné
Depuis que mon peuple est sorti des charniers
Rouget de Lisle, j’entonnerai pas ton chant de guerre à tue-tête
J’suis de cette époque où la moitié du globe vit toujours sous tutelle
Avec leurs droits à polluer ils nous en remettent de plus belle
Nous étions déjà des damnés maintenant nous devenons leurs poubelles
En revanche, Tropical se démarque un temps soit peu des autres par sa chaleur honnête et son rythme dansant.
Dans ce nouveau projet de Gaël, vous retrouverez alors ce qui a fait de lui un artiste apprécié, c’est à dire son parler sans filtre et désabusé, ainsi que ses textes d’allure entraînante mais qui ne révèle en fait qu’une vérité ténébreuse.
Par Eléna Pougin
Couverture : inconnu