Sorti le 31 octobre dernier, Bohemian Rhapsody reprend la vie de celui que le magazine Rolling Stone nomme « le plus grand chanteur de tous les temps », Freddie Mercury. Interprété par le célèbre acteur Rami Malek, le film couvre l’adolescence de l’artiste, jusqu’à sa performance du Live Aid, reconnue « meilleure performance live de tous les temps » par la BBC.

Un succès mérité mais controversé 

Si on reproche au biopic d’être « trop officiel » et de ne pas assez se pencher sur l’intimité de l’artiste, la prestation de Rami Malek ne peut que susciter l’admiration. L’acteur affirme d’ailleurs avoir effectué de nombreux cours de chants et s’être renseigné intensément sur la vie du défunt artiste. Après de multiples changements d’acteur principal durant ces 10 années de préparation du film, Bohemian Rhapsody semble enfin avoir trouvé une étoile à la hauteur de l’inoubliable rockeur. Cela se remarque par l’évolution du jeu d’acteur de Rami Malek au cours du film, puisqu’on dirait qu’à mesure que l’intrigue évolue, il rentre dans le personnage du chanteur de Queen pour finir par ne faire plus qu’un avec lui, créant cette osmose cinématographique que seuls ceux qui iront visionner le film auront la chance de contempler. Également, la prestance des acteurs choisis pour interpréter Queen, couplée à la set-list de titres du groupe que reprend le film, reste une admirable réussite. On retrouve les processus de création de titres comme les immanquables We Will Rock You, We Are The Champions, Another One Bites The Dust, Love of my Life et évidemment, l’opéra-rock de Bohemian Rhaspody, auquel le film doit son titre. Impressionnant de pouvoir entrer dans l’envers du décor d’un groupe qui restait majoritairement discret en dehors de leurs représentations publiques.

Néanmoins, il est vrai que le film peut décevoir car il élude certains majeurs aspects de la vie de celui que beaucoup voient comme un « Dieu du Rock ». Rami Malek justifie cela en expliquant qu’il était compliqué de retracer la vie d’un artiste aussi prolifique en 2h seulement et ça, on peut le comprendre. Cependant, peut-être aurait-il fallu évoquer d’autant plus le SIDA et les dernières heures de l’artiste, qui auraient  pu être une façon de porter l’attention sur cette continuelle lutte contre le VIH. Il aurait été également intéressant de replacer certaines interrogations de Freddie Mercury et certaines de ses déviances comme son addiction à la drogue car bien que représentants des zones d’ombres de sa vie, elles n’en demeurent pas moins importantes dans le développement du groupe. C’est d’ailleurs elles qui le pousseront à vouloir se lancer en solo et abandonner Queen, pour quelques années du moins.

Le film conserve malgré tout certains éléments emblématiques de l’artiste et il est fort appréciable de voir l’héritage culturel ou encore la solitude provoquée par l’intense succès de l’artiste. L’isolement presque maladif de Freddie se retranscrit par des passages où le chanteur bien qu’entouré paraît comme seul, et ce grâce à des visuels qui évoque cette tristesse et ce sentiment d’incompréhension : pluie, perdition dans les pensées, ennui, accumulation de groupes de personnes autour de l’artiste… On pourrait le penser parfois un peu trop pessimiste sur la fulgurante vie de Freddie Mercury, mais il est sur cet aspect assez fidèle aux débauches multiples de l’artiste, par exemple lorsqu’il était entouré de son attaché de presse, Paul Prenter.

D’autres moments sont extrêmement émouvants, on pense notamment à la prestation de We Are the Champions ou à celui où Freddie avoue se sentir « bisexuel » auprès de son épouse, Mary Austin. On ne peut trouver que spectaculaire que l’équipe du film ait choisi de conserver une certaine « distance » avec la vie privée de Freddie Mercury en n’affirmant jamais explicitement son homosexualité, ce notamment en montrant qu’il n’aimait pas parler de lui à la presse et en demeurant très ambigu sur ses émotions, à l’image de ce que l’artiste voulait bien raconter à ses fans dans les années 80. Il est fort probable qu’une plus lourde insistance malmenée aurait pu conduire à un film un peu trop intrusif et pas assez commémoratif. Même si nous voudrions toujours en savoir encore plus sur son intimité (où sont les limites de notre curiosité ?), cette fidélité aux volontés de l’artiste est une caractéristique fortement appréciable de Bohemian Rhaspody.

Du respect et des souvenirs

Et justement, cet aspect commémoratif est ce qui fait du film un biopic réussi. Outre le respect de la vie de Freddie Mercury, il y a également eu une volonté de présenter Queen non pas comme seulement le leadership de Mercury, mais comme un groupe soudé, comme « une famille »(répété à de nombreuses reprises dans le film). Plus qu’un biopic sur Freddie Mercury qui en reste l’acteur principal, le film s’applique à tenter d’être plutôt un biopic sur le groupe si légendaire. En effet, si Freddie Mercury peut ressentir la solitude que nous évoquions, il n’était jamais vraiment seul et pouvait toujours compter sur le soutien de ses trois acolytes, ce sur quoi le film insiste. On remarque que bien qu’il en était le leader, le groupe prenait les décisions à quatre, composait ensemble, et que chaque membre était indispensable à son échelle. D’ailleurs, Freddie Mercury le dira à la fin du film en affirmant « vous avez besoin de moi, tout comme j’ai besoin de vous ».

Cette approche très respectueuse du groupe se poursuit par des scènes copiés le plus fidèlement possible : les costumes de scène et les clips de Queen sont repris très sérieusement et sans écart, ainsi que leurs performances. On insistera sur la reproduction de la performance du Live Aid, qui s’immisce comme scène phare du film, par son exactitude presque angoissante : on s’y croirait presque.

Le film nous montre une image très belle du groupe ; celle où leur musique qui a réuni tant de gens, continue de le faire en les amenant au cinéma.

Bohemian Rhapsody, c’est aussi un moyen de ne pas oublier, 27 ans après la mort d’une légende du rock, que Queen a marqué l’histoire de la musique, et que par maintes expérimentations, désillusions et succès, a tenté de faire évoluer les moeurs en soulevant des questions toujours d’actualité de nos jours (comme celles du genre et de la standardisation de l’industrie musicale pour ne citer qu’elles). Pour les millenials, c’est aussi un bon moyen de remarquer que nos artistes actuels ont tout pris de ce groupe emblématique et que nombreux s’en sont inspirés : Christine and the Queens, King Princess, Gus Dapperton et tant d’autres… Ce groupe, qui s’était toujours affirmé comme marginal a bousculé les codes et c’est ce que le film nous prouve. Il constitue un bel hommage, provoque la nostalgie et amène à une réflexion sur la vie tumultueuse d’un artiste qui a tant apporté humainement. Mais aussi à une réflexion sur quatre musiciens qui aimaient la musique et qui, à l’image de Freddie Mercury, ont tout sacrifié pour elle.

Pourquoi sommes-nous différents des autres groupes de rock ? Nous sommes des marginaux qui jouent pour les marginaux. Vous savez, ceux qui restent au fond des concerts et qui arborent un look totalement en marge.

-Freddie Mercury dans le film, au producteur de Mercury records, leur futur label.

En bref :

Note de la rédaction : 8/10 

Ce qu'il faut retenir : 
-Freddie Mercury était un artiste extrêmement créatif
-Queen reste un groupe phare de notre culture musicale près de 45 ans après leur création
-Le succès réside dans une nouvelle façon de produire de la musique
-Le film est parfois très lisse afin de pouvoir assurer une cohésion avec l'image donnée par le groupe dans ses plus belles heures.

Acteurs : Rami Malek (Freddie Mercury), Lucie Boyton (Mary Austin), Aaron McCusker (Jim Hutton), Joseph Mazello (John Deacon), Gwilym Lee (Brian May), Ben Hardy (Roger Taylor)

Une scène du film : Live Aid - 1985

Mais cette critique de Bohemian Rhaspody serait incomplète si l’on ne vous laissait pas l’occasion de regarder et d’écouter à nouveau (ou de découvrir) trois de leurs plus francs-succès. Difficile d’ailleurs de n’en choisir que trois…

1.

2.

3.

Pour venir la compléter, il semble également important de rappeler que la Mercury Phoenix Trust a été créé au décès de Freddie Mercury par Roger Taylor, Brian May et Jim Beach afin de soutenir les victimes du SIDA. Il n’est jamais trop tard pour les soutenir.

Voici le lien pour s’engager ou effectuer une donation à leur cause mercuryphoenixtrust.com

Par Eléna Pougin